Textes

 

 

 

 

Découper les détails, les morceaux d'images. Les isoler, les imaginer comme éléments d'une nouvelle image. J'invente les pièces du tableau... Dès lors elles s'organisent et s'agglomèrent comme pour défier la perception de la réalité, du quotidien. La peinture et le pastel relient , recouvrent et diluent , comme pour achever le travail d'illusion et d'allusions. L'apparence est trompeuse. La réalité est recomposée. La vérité est manipulée. Les repères s'évanouissent. L'incertitude s'exacerbe. Nous croyons voir, comprendre et puis non…
Attention, imagination conseillée .


Emmanuel Baudin, 2003

 

 

Alu, agrafe, agglu, agglo…

D'abord un chaos de matière brillante, malmenée, chiffonnée, agglutinée. Des jaunes, oranges, bleus, cernés de noir, fissurés de blanc.
Fragments de sacs publicitaires en plastique, de boîtes en alu sérigraphiées, d'emballages sitôt perdus, sitôt retrouvés. Emmanuel Baudin décompose et recompose savamment sur des supports bruts, crée des lectures successives de plans, rythmes, matières…
Et puis, soudain l'éclatement de la couleur, l'étirement de la texture, comme un univers en expansion. Cloué, agrafé, tout un jeu se construit autour du dérisoire, de l'éphémère, du détournement et de la réappropriation de ce qui semblait appelé à ne plus servir …
Emmanuel Baudin nous donne à voir et à lire des Joh, Gui…, Kro, S¥¥‰‰, traces de voyages dans l'interculturel. Il nous laisse deviner un King-Kong, une Tahitienne qui sent le monoï, un as de trèfle qui se la jouent.
Des sigles, symboles, marques, apparaissent fragmentés, morcelés, cachés entre deux morceaux de plastiques, sortant d'un cerne noir, tracé à l'acrylique ou au pastel gras.

Comme le plomb d'un vitrail qui serpente dans la composition et fragmente les zones de couleurs, la ligne noire accentue une transparence qui n'est qu'illusion, fait croire à des trous de lumière inexistants.
En fait, tout un jeu de faux s'organise, nous trompe. La matière est malmenée, transformée, détournée.
Pendant que nos yeux décryptent, on entend encore la mitraille de l'agrafeuse contre le bois, fixant une dernière fois, tous ces éléments en un " collage " percutant.

Maud Riffay, juin 2003


 
Citoyen du monde


Emmanuel Baudin colle, il découpe, assemble, désassemble, détourne, construit, peint. Lorsque l'on entre dans son monde, qui est en fait le nôtre, celui de notre quotidien le plus proche mais aussi finalement celui que nous subissons sans nous en rendre trop compte, nous ouvrons les yeux sur des faits, des vérités, une réalité, parfois si dure à tolérer.
Emmanuel est un créatif, sans limites, tout peut lui servir à la mise en image d'une pensée, d'une réflexion : papiers multiples et variés, journaux, publicités, flyers, objets plus ou moins volumineux. Les matériaux qu'il introduit dans ses compositions sont bruts, non transformés. Emmanuel les arrache de leur réalité concrète pour les insérer à une composition plastique, il les détourne, leur donne une autre réalité. Sur des supports tels que le bois ou le contreplaqué, il assemble, met en scène, compose, virevolte, exploite les divers morceaux de réalité figurative extirpés de notre quotidien pour dénoncer, démontrer, décrier. Emmanuel est un citoyen du monde, un voyageur, il détourne le sens, le contexte des choses pour établir sa critique sociale. Sa vie, ses émotions, ses haines, ses amours, tout est là. […]

L'artiste a su créer son monde, se dévoiler pudiquement, mais les ombres de Ernst, Schwitters, Kieffer, du Bauhaus, des Surréalistes, du Pop Art, hantent son univers implacable. Emmanuel colle, mais il assemble aussi, avec quelle élégance et efficacité. Ses tableaux-objets sont d'une puissance inexorable, les collages sont entrés dans la troisième dimension, la perspective est devenue concrètement visuelle, l'illusion mise en scène nous renvoie à la duperie illusoire d'une société globale superficielle à outrance, mensongère.
Tout en étant bien ancré dans sa réalité présente, Emmanuel rejoint de grands courants de pensée, de révolte, les années 20 mais aussi et surtout 60 sont là, visibles, intrinsèques. Années décriant la société, ses abus et débordements, le désir de liberté. Désirs encore tellement d'actualité. Emmanuel poursuit une lignée dénonciatrice d'artistes en mal de bien-être, il pose des moments de vie, de sa vie, s'extériorise avec subtilité, l'émotion est là. Au travers d'une inventivité hors norme, Emmanuel Baudin prend des détails de notre réalité et les transpose en message global, compréhensible ici, comme ailleurs. Un citoyen du monde révolté, naviguant entre haine et rêve d'une société abandonnant toute superficialité illusoire au bénéfice d'un essentiel humain universel.


Stéphane Ciancio, mai 2006

           

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